Suspentes non gainées votre calage en danger

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Je vais dans un premier temps vous présenter les constats qui m’ont amené à écrire cet article : Les contrôles que j’ai effectués en tant que réviseur, et les conséquences. Ensuite je vais vous expliquer comment sont constituées les suspentes, et comment elles vieillissent. Et en conclusion mes conseils pour le choix de votre voile, et la périodicité de vos révision en fonction de vos suspentes !

Constats sur des voiles révisées avec de gros problèmes de suspentage :

Exemples de voiles révisées, les raisons et conséquences éventuelles… Mon but n’est pas de critiquer des marque ou des modèle, mais de rendre compte d’un problème de sécurité évident. Donc les noms des voiles ont été remplacé par une lettre (la même lettre indique le même modèle).

Voile A : Contrôle suite à accident grave. 70 heures de vol annoncé par le pilote, décrochage intempestif, malgré une grande marge d’altitude le pilote n’a jamais pu remettre la voile en vol « normal ». Les mesures donnent une variation de calage supérieures à 60 mm.

Voile B1 : contrôle calage complet, le pilote se plaint de comportement « bizarres ». Les mesures donnent une variation de calage supérieures à 70 mm.

Voile B2 : Le pilote trouve sa voile un peu lente… Les mesures donnent une variation de calage supérieures à 60 mm !

Voile C : Troisième saison, premier contrôle… la voile part en décrochage rotation sur un ralentissement. Descente de 700 m sans possibilité de remise en vol normal, posé sous parachute de secours. Variation de calage à cabrer supérieur à 40 mm.

Voile D1 : 4 contrôles successifs
le premier à un an de vol – Variations de calage -10 à -15 mm sur les D
le second à deux ans de vol – Variations de calage supérieures à -20 sur les D.Recalage
le troisième l’année suivante – variations de nouveaux supérieures à -20 mm sur les D. Recalage. Trois semaines après des vols un peu « durs », le pilote me ramène la voile, pour cause de comportement étranges. Mesures et surprises, les D ont de nouveaux raccourcis, et certaines lignes de plus de 40 mm… Et cassaient à 15 Kg !
Remplacement complet du suspentage.

Voile D2 : variation de calage supérieurs à 50 mm et écarts de symétrie de 20 mm au bout de deux ans.

Voile E : 2 contrôles à un an d’intervalle.
Le premier Variations de calage supérieures à -30 sur les D.Recalage
Le deuxième, de nouveaux variations de calage supérieures à -30 sur les D.
Re-suspentage
Mêmes constats sur 3 autres voiles identiques.

Voile F : Décalage 25 mm, écart de symétrie supérieurs à 40 mm. suspentes raccourcies jusqu’à 50 mm. Recalage et remplacement ponctuel de suspentes.

Tableau récapitulatif des voiles citées en exemple :
Colonne H : Homologation.

  • AG : Aramide Gainé.
  • ANG : Aramide Non Gainé.
  • DG : Dyneema Gainé.
  • DNG : Dyneema Non Gainé.

Comment sont constituées les suspentes ?

Deux grandes familles : gainées ou non.

Les gainées sont constituées d’une âme travaillante, autour de laquelle est réalisée une tresse (la gaine) qui la protège des agressions.

Les non gainées sont une tresse creuse, réalisée avec un certain nombre de fuseaux, eux mêmes constitués de fibres. Le tout est imprégné d’une enduction à base de polyuréthane, pour « fixer » les fibres, les colorer et les protéger.

Les matériaux :

Les fabricants utilisent essentiellement deux matières : aramide et dyneema. Un petit rappel sur leurs qualités et défauts.

Aramide : leur vrai nom, polyamides aromatiques, connu sous les marques Kevlar, nomex, tecnora, twaron….
Les + : Légèreté, bonnes propriétés mécaniques en traction et bonne résistance aux chocs et à l’abrasion, au feu et à la chaleur (ne fond pas), aux solvants organiques.
Les – : Mauvais comportement en compression, grande difficulté à couper (résistance au cisaillement) ou à usiner, reprise d’humidité importante, sensibilité aux rayons ultraviolets.

Dyneema : polyéthylène à haut module (UHMWPE).
Les + : Très haute résistance à la traction avec faible élasticité, insensible à l’eau, aux UV et à la plupart des agents chimiques agressifs.
Les – : Point de fusion au alentours de 130-150°, sensible au fluage et instabilité dimensionnelle ( il raccourci en vieillissant).

Les autres matériaux qui sont parfois utilisés :

Polyester : il est utilisé pour la réalisation des gaines en raison de sa bonne résistance aux abrasions et de son faible coût. Il est utilisé sur certaines suspentes de parachute.

Polyamide : (Nylon) utilisé seulement sur les parachutes de secours en raison de leur élasticité qui absorbe les chocs à l’ouverture.

Vectran : polyester aromatique ou à cristaux liquides. Je ne peux pas en parler car nous n’avons pas encore assez d’expérience dans le parapente, sur le vieillissement de ce matériaux, qui y est encore peu utilisé. Nous verrons dans quelques années.

Pourquoi les calages bougent il ?

Un constat : les suspentes, toutes les suspentes raccourcissent en vieillissant. Gainée, non gainées et quel que soit le matériaux qui les constitue. Mais elle ne le font pas toutes pour les mêmes causes, et pas dans les mêmes proportions.

4 causes de raccourcissement :

1- Gonflement des tresses : toutes nos suspentes actuelle ont une structure en tresse (âme ou gaine). Lorsque l’on tord celle-ci, ou qu’elle se charge en poussière elle gonfle en diamètre, et par réaction mécanique elle raccourci. C’est un phénomène très lent, qui concerne toutes les suspentes.

2– Rétractation des matériaux : Le Dyneema raccourcis de 0,5 à 1% en vieillissant. Cela fait 7 cm sur la hauteur totale d’un suspentage ! L’Aramide est stable.

3- Peluchage : C’est une usure par abrasion des fibres qui composent les fuseaux des suspentes. Sans incidence notable sur les suspentages gainés, il à des conséquences très importantes sur les non gainées. Les sol agressifs, les « arbrissages », les posé dans une végétation accrocheuse amplifient ce phénomène.

4- Accrochage des fuseaux : Arrive uniquement sur les suspentes non gainées, c’est un incident, pas un phénomène de vieillissement, mais ce dernier peux entraîner des raccourcissements de 15 à 25 mm ponctuels, et des pertes de résistances importantes.

Autre phénomène constaté, plus les suspentes sont fines, plus elles se rétractent.

Mais pourquoi cela modifie le calage à cabrer ?

Parce que les suspentes ne vont pas toutes raccourcir de la même façon.

1-Mise sous tensions différentes : La seule chose qui va contrer le gonflement des tresses, et la rétractation éventuelle du matériaux, est la mise en charge des suspentes… Mais cette charge (votre poids en l’occurrence) est faible ramenée à chaque suspente, et elle est répartie essentiellement sur les suspentes A et B. Ces dernières vont donc raccourcir moins que les C et D. Cela est valable sur tout les types de suspentage gainé ou non. Selon les matériaux utilisés les valeurs de décalage constaté sont de 10 à 25 mm à cabrer.

2- Le peluchage : qui  va intervenir uniquement pour les suspentes non gainées. Ce dernier, se produit sur les suspentes soumises à des abrasions, celles qui frottent au sol. Sont donc principalement concernées les lignes de frein, les lignes hautes arrière, les intermédiaires et les basses. Cela peut entrainer des raccourcissement de plus de 50 mm et affaiblir les suspentes.

3- L’accrochage et la détérioration d’un fuseau sur une suspente, va la raccourcir et selon sa position modifier le calage et la symétrie. Le constat encore une fois c’est que ce sont principalement les suspentes C ou D qui sont concernées.Les trois points ci dessus vont tous dans le même sens : raccourcissement des suspentes arrières plus important que des avant.

Première conclusion : Globalement en vieillissant les voiles deviennent cabreuses, et ralentissent. (il existe quelques exceptions, voir (1 et 2) en fin d’article)

Deuxième conclusion : Les voiles équipées de suspentes non gainées présentent des variations plus importantes de calage.

Ces données sont à adapter en fonction du niveau de la voile, du nombre de vols effectués, et de « l’agressivité » de vos sites de vol, par exemple :

– Pour un Gun 2 ou 3 lignes tout en non gainé, contrôle à 50 et 100 heures remplacement du suspentage complet à prévoir vers 150 heures….

– Avec une EN C ou D, sur des sites agressifs, diminuez les temps de moitié.
Si vous avez un doute sur le comportement de votre voile contactez votre atelier de révision !

Si une suspente est abîmée par sortie d’un fuseau, vérifiez la symétrie, si celle ci a un écart supérieure à 15 mm, remplacez la suspente. Si le fuseau est cassé remplacez.

Mes conseils pour le choix de l’achat d’une voile neuve ou d’occasion :

Un principe de base : évitez les suspentes non gainées, elles seront toujours une source de problèmes.

1- Si vous débutez, ou que vous volez moins de 50 heures par an choisissez une voile avec un suspentage tout gainé.

2- Idem si vous volez moins de 100 heures et uniquement en vol local ou petits cross.
A la rigueur un suspentage haut, court en non gainé, de préférence en aramide coloré.

3- Si vous volez plus de 100 heures, que vous faites des grands cross, de la compétition, de la voltige, faites vos choix en fonction de vos envies, mais en prévoyant un budget conséquent pour contrôler ou remplacer vos suspentes.

4- Et si pour une raison qui vous appartient, vous voulez absolument acheter une voile avec des suspentes non gainées, faites attention au moins au point suivant : prenez une voile dont les suspentes sont colorées. Car la perte de la couleurs des suspentes vous avertira que l’abrasion est en train de faire son oeuvre et que les ennuis vont arriver… En plus, demandez à votre vendeur un échantillon de la suspente neuve pour comparer la couleur dans le temps.

Notez que les suspentages totalement non gainés tout dyneema, sont ceux qui vous poseront le plus de soucis de vieillissement.

Annexes

1) Des constructeurs, utilisent sur certain modèle un mixage avec des suspentes Dyneema sur les avant et Aramide sur les arrières. Le raccourcissement important des avant en Dyneema compense le faible raccourcissement des arrières en Aramide.

(2) D’autre conseillent, pour les voiles suspentées tout dyneema, de faire subir à chaque ligne de suspente une tension de 25 Kg avant chaque contrôle, le premier devant intervenir 6 à 8 mois après le premier vol.

Tableau sur les matériaux : Données Liros

Vous pouvez télécharger la version pdf

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